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 Textes 11 à 20

 

 

 Page 1 (textes 1 à 10)

 

 Page 3 (textes 21 à 30)

 

 

 Croire en Jésus pour être
 "sauvé"?

 Autorités humaines

 La foi: un ensemble d'affirmations?

 Un savoir, ou un amour?

 La tradition, les dogmes

 Concepts bibliques...

 Affiner le vocabulaire

 Le sacré, les rites

 De l'absolu au relatif

 Prier de façon réfléchie

Faut-il croire en Jésus pour être "sauvé", et qu'est-ce que le "salut"?

 

Les évangéliques considèrent que l'on devient chrétien lorsque l'on reconnaît Jésus comme son sauveur.

Mais de quoi Jésus nous sauve-t-il?

 

"Salut", "sauver", voilà des mots qui ont vieilli: ils n'ont aucune signification pour l'homme de la rue.

Par contre "donner un sens à sa vie", trouver le sens de sa vie, sont des notions que tout le monde comprend.

 

Jésus nous révèle le vrai sens de notre vie: aimer.

Avant d'avoir compris cela, nous errons en tous sens, que nous soyons chrétiens ou non; nous nous fixons des buts pour nous occuper; pour nous distraire dirait Pascal. Souvent, nous ne savons pas vers où aller: nous sommes ... perdus!

Jésus montre le chemin, et nous donne le moyen de le suivre.

 

Le chemin, c'est cet amour sans limite qu'il nous a lui-même montré.

(Et ... jusqu'à en mourir! Cela ne paraît pas très attirant tant qu'on n'a pas compris quelle plénitude intérieure donne cette participation à l'amour divin, et qu'on n'est pas convaincu que l'existence continue après la mort).

 

Le moyen de suivre ce chemin, c'est la relation à Dieu dans la prière, et, pour certaines confessions chrétiennes, dans les sacrements.

"Je suis le chemin" a dit Jésus (Jean, 14.6).

 

Croire Jésus, essayer de vivre comme il le propose, avec son aide dans la prière et les sacrements, voilà comment mener une vie qui s'ouvre à la vérité, et à plus que nous-mêmes. C'est cela le salut.

 

C'est offert à tous les hommes. Et c'est aussi, je pense, ce qui nous sera à nouveau proposé après la mort.

 

11  

Autorités humaines

 

Il ne faut pas confondre les hiérarchies ou autorités humaines avec l'autorité de ce que Dieu nous révèle.

 

Tout groupe humain a besoin d'une certaine organisation. Il faut donc des responsables, qui sont amenés à prendre des décisions. Mais il y a abus lorsque ces responsables prétendent parler au nom de Dieu.

 

Beaucoup de groupes chrétiens - églises locales ou communautés rattachées à une église plus large - et d'églises (catholique, etc.) fonctionnent largement à base d'autorité, d'interdits et d'obligations.

L'autorité du pasteur, prêtre ou responsable local, ou du groupe de responsables, est souvent considérable; et de même l'autorité de la doctrine admise par l'Eglise dans son ensemble. Parfois il faut obéir ou partir.

 

Il y a là me semble-t-il un abus caractérisé: une confusion entre la nécessité pratique d'une organisation - avec des responsables au service des actions de l'Eglise, et l'autorité de la Bible ou de l'inspiration.

 

Comme l'écrit un membre d'une église baptiste sur un forum:

"La Réforme a affirmé plusieurs vérités fondamentales un peu oubliées depuis les premiers temps:

- le sacerdoce universel de tous les croyants et leur égalité ,

- la différence fondamentale pouvant s'effectuer sur les dons et les services..

- chacun a des dons particuliers... ou des ministères...

- le ministère pastoral est le ministère de l'enseignement, de l'enseignement de ce qu'il y a dans la Bible... :

. il le propose à l'assemblée, en tire les vérités et se les applique à lui-même..

. ce n'est pas - comme chez certains - un "magistère" une action dans laquelle le prédicateur fixe le sens et dit "c'est ce que vous devez croire"..

(...)

"Le prédicateur ou pasteur n'est pas infaillible, et il ne peut exiger la soumission...

Il ne peut que proposer un sens possible au texte ainsi que des applications..

Même "l'inspiration du St Esprit" ne confère pas l'infaillibilité... La vérification de l'enseignement est toujours nécessaire..

 

"Il y a deux éléments clés dans l'église du nouveau testament ,

- l'égalité des croyants entre eux, avec une reconnaissance liée aux services rendus..

- la nécessité - personnelle - de confronter ce que l'on reçoit, pour reprendre sur 4 dimensions:

. ce qui est vrai (vérifié)

. ce qui est faux

. ce qui est bien

. ce qui est mal

De faire des choix conséquents.. solides..

Jamais à aucun moment nous en pouvons nous défausser de notre responsabilité morale en disant "la Bible dit.. donc j'applique" (ça c'est de l'extrémisme religieux, ce n'est pas l'enseignement de Jésus).

 

Et c'est une démarche de progression personnelle, de croissance..

 

D'ailleurs Jésus n'a-t-il pas dit à ses disciples "je ne vous appelle plus serviteurs mais amis"...

(Source)

Et dans un autre texte il précise:

"La communauté à laquelle on participe doit nous ouvrir à la liberté, non la prendre."

 

12  

La foi: un ensemble d'affirmations?

 

La foi est-elle l'affirmation d'un ensemble de "vérités", ou la relation avec une personne?

 

Certains chrétiens semblent considérer que notre relation avec Dieu s'énonce sous la forme d'une liste de vérités, dont on déduit un comportement.

 

Alors que Dieu est une personne. Et qui aurait l'idée de remplacer la relation qu'il a avec un ami par une série de phrases?

 

Ce que je sais d'un ami va bien au delà des phrases qu'à l'occasion je pourrai dire sur lui.

 

La foi ne consiste pas en une série de propositions que l'on croit vraies.

 

Il ne s'agit donc pas d'abord d'enseigner des "vérités", de s'appuyer sur des mots; mais de méditer sur des faits.

 

Le réel ne se déduit pas; il s'expérimente.

 

Cela dit il faut bien sûr, à toute époque, essayer de mettre des mots sur les faits.

 

13  

Un savoir, ou un amour?

 

Aider les chrétiens à approfondir leur foi, ce ne devrait pas être principalement leur transmettre un enseignement ou un savoir et leur énumérer des vérités; encore moins les leur imposer. Ce devrait être partager un amour pour Dieu et pour les hommes.

 

Les responsables d'église et les chrétiens qui les assistent ont parfois une attitude d'autorité, considérant ce que Dieu nous révèle comme une série d'affirmations qu'il faut accepter.

 

La foi est d'autre part souvent présentée, plus ou moins consciemment, comme un savoir intellectuel: il y a ceux qui savent, et ceux qui ne savent pas; ceux qui enseignent, et ceux qui reçoivent l'enseignement. L'étude de la Bible se prête particulièrement à ce travers, puisqu'un certain savoir est utile pour mieux la comprendre.

Cela rejoint ce qui a été dit plus haut sur "ceux qui savent", ou croient savoir. Ceux qui par leur fonction, leur profession ou leurs textes :-) exposent ce que nous apprend la révélation, et ce que Dieu est, veut ou propose, ont une responsabilité particulière. Le risque est grand en effet qu'ils se comportent "avec autorité" envers ceux qui pensent en savoir moins, ou sont moins sûrs d'eux.

 

"Moi je sais, toi tu ne sais pas; donc crois ce que je te dis de croire; moi je sais ce que Dieu a dit". Cette "autorité intellectuelle" est plus diffuse, mais peut-être encore plus répandue que l'autorité hiérarchique, et moins facile à détecter; ses abus aussi se remarquent moins.

 

 

L'autre attitude, inverse, serait celle de la recherche en commun, modeste, où l'on ne dirait jamais que l'on sait, mais seulement que l'on pense telle chose, en ajoutant: "Et toi, qu'est-ce que tu en penses?"

 

Une attitude où l'autorité serait remplacée par un dialogue en vérité: avec les autres chrétiens comme avec tous les hommes.

 

Nous croyons tous savoir, et nous avons besoin d'affirmer; et nous croyons souvent .. à tort! Mais nous ne sommes que rarement prêts à accepter que nous nous trompions; à nous remettre en cause.

 

14  

La tradition, les dogmes

 

Certains chrétiens, protestants ou évangéliques, semblent ne reconnaître aucune valeur à la tradition. Et pourtant c'est en son sein que les textes du nouveau testament ont été écrits, puis qu'a été fixée la liste des livres qui le composent.

 

D'autres au contraire considérent la tradition, les dogmes fixés par elle et la continuité dans la succession épiscopale comme des éléments essentiels de la foi.

 

Il est nécessaire, on en conviendra, de ne pas déformer ce qu'a été la présence de Jésus parmi nous; toute opinion à ce sujet n'est donc pas également valable.

Il y a lieu aussi d'approfondir ce que Jésus nous a révélé; ce n'est que peu à peu que les conséquences du "fait Jésus" se dégagent, et la perception que nous en avons se renouvelle avec les époques, en fonction des questions que se pose chaque génération.

 

Il est bon par conséquent que les chrétiens se réunissent entre eux pour échanger sur ces questions, et distinguer ce qui leur paraît compatible avec la foi chrétienne de ce qui ne le semble pas.

 

Et il ne faut pas faire passer sous le manteau de la tradition des comportements et des affirmations qui sont loin d'être évangéliques: c'était vrai à l'époque de Luther (par exemple en ce qui concerne les indulgences); cela peut l'être à toute époque.

 

L'approche catholique et orthodoxe, qui consiste à organiser la foi chrétienne autour des évêques, d'une confession de foi fixée une fois pour toutes, et de dogmes qui la complètent, a été mise en place historiquement pour assurer l'unité de l'Eglise et de sa doctrine. Ne faudrait-il pas aujourd'hui faire le bilan des avantages et des inconvénients de cette façon d'assurer l'unité?

 

Christian Duquoc, dans son livre "Je crois en l'Eglise", constate que l'Eglise catholique a sur elle-même un discours idéaliste, et propose qu'elle reconnaisse sa propre "précarité", au lieu de se crisper sur sa tradition interne.

 

Nous avons accès, grâce notamment au travail des historiens et des biblistes, à une vision assez détaillée des débuts du christianisme, qui peut nous permettre de réfléchir sur les orientations à lui donner pour l'avenir sans se tenir nécessairement enfermé dans la façon dont les premiers chrétiens ont compris le fait Jésus, ni dans celle dont ils ont organisé l'Eglise.

 

La formulation des dogmes, de son côté, pose parfois problème à nos esprits logiquement exigeants. Et surtout, le besoin d'affirmer l'unanimité de l'église, voire l'obligation de se soumettre, à propos de points qui sont somme toute secondaires (y compris de nature morale et non dogmatique) mérite d'être discutée, puisque l'on sait que bien d'autres chrétiens ont des opinions différentes.

 

Ne pourrait-on pas accepter qu'il y ait à la fois des gens qui s'efforcent de rester dans la ligne de la tradition des premiers siècles, et d'autre part des gens qui, tant en matière théologique qu'en matière liturgique, reprennent le problème "à zéro", comme on le fait parfois dans les grandes institutions (p.ex. ce que l'on appelle le "budget base zéro": comme si c'était le premier)? Et que tous soient réunis dans une seule église?

 

On considérerait comme légitime qu'il y ait plusieurs façons de comprendre le message de Jésus, dans le dialogue et la charité, au sein d'une même grande église.

 

15  

Concepts bibliques...

 

Les textes du Nouveau Testament, comme ceux de l'ancien, ont été écrits par leurs auteurs en fonction des convictions, perceptions et façons d'écrire de leur époque. On l'a déjà dit plus haut, leurs conceptions de l'histoire, de la nature de l'univers etc., étaient bien éloignées des nôtres.

 

Il s'y ajoute, comme l'écrit Bernard Sesboüé

"... l'obscurité du vocabulaire véhiculé par la tradition et la liturgie au regard de la culture contemporaine: divinisation, rédemption, justification, a fortiori sacrifice, expiation, satisfaction ou substitution, autant de mots qui semblent recouverts désormais d'une grande opacité et ne renvoient à aucune expérience ou réalité".

(Jésus-Christ l'unique médiateur p.33).

 

Au delà du vocabulaire, ce sont les concepts eux-mêmes et leur articulation entre eux qui demandent réflexion, révision.

 

Intervient notamment la notion de genre littéraire: seuls les fondamentalistes lisent l'Apocalypse par exemple comme si elle désignait des événements à venir de façon certaine, alors que les introductions et notes des bibles considèrent qu'il s'agit d'un texte expliquant aux chrétiens de l'époque que Jésus est vainqueur - notion qu'il reste ensuite à expliquer en langage moderne.

 

La distance à prendre par rapport à la littéralité du texte peut être importante même dans les épîtres, comme on l'a vu à propos du paradis terrestre. Un autre exemple classique est celui de l'attente du retour proche de Jésus et de la fin du monde, qui parcourt de nombreux textes.

Il y a ce qui concerne la conduite des femmes, que l'on a du mal à lire aujourd'hui ("Que les femmes se taisent dans les assemblées" 1 Co 14,34; sur ce point comme sur d'autres il y a d'ailleurs contradiction entre différents textes: en 1 Co 11,5 on parle de femmes qui prophétisent!). Sans oublier les passages sur "les juifs", dont la formulation brutale les fait percevoir aujourd'hui comme antisémites.

 

Les concepts et le vocabulaire employés (par exemple la "colère" de Dieu, la "condamnation", la "coupe des démons" etc., mais aussi la mort "brisée", "le banquet du royaume"...) demandent des explications considérables, et il est dommage qu'ils soient parfois repris tels quels dans la liturgie, alors qu'on les évite souvent dans la présentation et la réflexion sur le christianisme.

 

Egalement les auteurs du Nouveau Testament articulent parfois leur raisonnement autour de dichotomies qui forcent la réalité et paraissent maintenant simplistes, ou dangereuses si on les prend au pied de la lettre; elles contiennent des affirmations fondamentales, mais qu'il faudrait exprimer autrement. Ainsi par exemple des oppositions entre la lumière et les ténèbres (Jean), entre la vie selon la convoitise des hommes et la vie selon la volonté de Dieu (1 Pierre 4), etc.

 

Comme on l'a dit ci-dessus pour l'église, il serait bon qu'en ce qui concerne les concepts il y ait de même coexistence entre ceux qui utilisent le texte et l'étudient sans en changer un mot, et d'autres qui à chaque fois se disent: qu'est-ce que cela veut dire selon ma compréhension du christianisme aujourd'hui, et comment l'écrirais-je? C'est par exemple ce que j'ai essayé de faire dans "Jésus-amour".

 

16  

Affiner le vocabulaire

 

Le vocabulaire et les concepts du christianisme sont basés pour une part sur des images, des métaphores.

 

Et il est vrai que nous avons besoin d'images pour nous représenter ce qui nous dépasse!

 

Mais peut-être acceptons trop facilement ces analogies, sans vérifier suffisamment si elles correspondent vraiment à ce que nous voulons dire, à ce que nous pensons être la réalité.

 

Bernard Sesboüé, dans son livre "Jésus-Christ l'unique médiateur" (Desclée 1988), montre qu'il est nécessaire d'utiliser des métaphores et des images pour parler de l'au-delà, mais qu'il ne faut pas en surestimer la validité. En particulier il ne faut pas "pousser trop loin" ces métaphores, comme il le montre à propos de certains aspects du "sacrifice" du Christ, dans un chapitre intitulé "un sombre florilège" (p. 67 et suivantes).

 

Prenons-en un exemple: peut-on dire que Jésus est venu "guérir et sauver les hommes", comme nous le chantons quelquefois?

 

On a dit ci-dessus en quel sens on pouvait dire que Jésus apporte le "salut": il nous donne le chemin, le sens de la vie. Mais autant le mot "salut" semble utilisable, autant le verbe "sauver" peut poser problème! Et de même le verbe "guérir".

 

Les idées qui sont associées après deux mille ans de christianisme au verbe "sauver" correspondent à une conception de l'humanité, et du péché originel - on en revient toujours à lui, qui induisent des perceptions erronées. On peut dire de Jésus qu'il apporte le salut, mais il me semble moins approprié d'employer l'expression "Jésus nous sauve"...

 

De même, de quoi Jésus est-il censé nous guérir? Les hommes sans Jésus sont-ils tous "malades"? Là encore il s'agit me semble-t-il d'une image poussée trop loin.

 

Il est vrai que le salut, la vie, apportés par Jésus nous aident à nous épanouir, et peuvent nous guérir intérieurement. Pour autant il n'y a pas forcément lieu d'en faire une règle générale. Le changement intérieur auquel la foi au Christ nous conduit est un chemin: pour le décrire le mot "guérir" ne convient pas forcément pour tout le monde...

 

C'est donc une sorte de discours de la méthode qu'il nous faudrait aujourd'hui, pour construire une théologie adaptée à notre temps:

 

"Ne considérer un mot, une image, comme appropriés, que si l'on n'a aucune occasion de le considérer comme inapproprié, impropre..."

 

Avoir le sens des limites des mots. Eviter les grands discours, les images et les affirmations trop simples.

 

17  

Le sacré, les rites

 

Chez les catholiques, les orthodoxes, etc. le sacré et les rituels ont une grande importance, dans leur théologie comme dans leur pratique. Le sacré imprègne la liturgie, largement composée de rites. L'importance donnée au sacré semble liée à celle donnée à la tradition. Pour la plupart des protestants au contraire sacré et rituels sont secondaires, voire inexistants.

 

Peut-on imaginer que ceux qui attachent une grande importance au sacré et aux rites et ceux qui lui en attachent beaucoup moins coexistent au sein d'une même église, chacun comprenant le point de vue de l'autre et le respectant?

 

Et en particulier qu'est-ce qui est sacré pour l'église catholique, et pourquoi?

Les chrétiens des premiers siècles semblent avoir peu à peu organisé leurs réunions de prière et leur relation à Dieu sous la forme de rituels.

Il s'y est ajouté le souci de maintenir l'unité de l'église par la nomination d'évêques et de prêtres désignés dans le respect de la "tradition apostolique", c'est à dire par des évêques ayant eux-mêmes été désignés par les responsables précédents en remontant ainsi jusqu'aux apôtres.

 

Comme on l'a dit plus haut à propos des dogmes, on peut se demander si une réflexion très ouverte sur la notion de sacré et sur la liturgie et sa rigidité ne serait pas nécessaire.

On peut en effet avoir l'impression que l'église catholique (pour ne parler que d'elle) a reconstitué peu à peu un édifice hiérarchique sacré - et aussi par exemple une notion de pureté - analogues à ce qu'il y avait dans l'ancien testament; bien différents peut-être de ce qu'une vraie fidélité à l'enseignement de Jésus pourrait conduire à faire. N'a-t-il pas dit par exemple "n'appelez personne "Père"? - a fortiori "saint père"! Et n'a-t-il pas critiqué les pharisiens pour leurs notions de pur et d'impur?

Le sacré est une notion pratiquement absente de l'évangile. A la différence du Dieu de l'ancien testament, Jésus est un Dieu qui se laisse toucher.

Le mot "sacré" vient de "séparé". Le sentiment du sacré, chez l'homme, est relativement primitif, c'est à dire à la fois viscéral et demandant à être réfléchi.

Le Nouveau Testament emploie de préférence les notions de "saint" et de sainteté ("hagios"). Les notions de "sacré" et de "consacré" (hieros), bien qu'elles soient souvent employées par les traductions, n'apparaissent en fait que trois fois pour parler des réalités nouvelles: Romains 15,16 "me consacrant à l'évangile"; 2 Timothée 3,15 "les écritures sacrées" - souvent traduit par "les saintes écritures"; Tite 2,3 "veuves consacrées". Par ailleurs les mots voisins de "prêtre" ou "sacerdoce" ("hiéreus") sont toujours employés pour désigner, soit Jésus lui-même, soit le peuple de Dieu dans son ensemble.

 

On pourrait donc dire, en exagérant à peine, que la notion de sacré n'existe pas pour les chrétiens: Dieu est proche, il n'est plus séparé. Mais sa sainteté demeure! La réaction de Pierre après la pêche miraculeuse ("Eloigne-toi de moi car je suis un pécheur! Luc 5,8) montre que Dieu est à la fois le tout proche et le tout Autre.

 

Ces remarques étant faites sur le sacré, les rites, qu'il ne faut pas nécessairement considérer comme sacrés, ont une utilité dans certains cas.

Il est bon qu'il y en ait, et que l'on puisse alterner entre des cérémonies ou parties de cérémonies ayant un certain caractère rituel, et d'autres plus adaptées à la façon dont on peut concevoir aujourd'hui la relation à Dieu. Car les rituels religieux sont quelque chose qui n'a guère de sens pour les hommes de notre époque: le monde moderne ne fonctionne plus ainsi la plupart du temps.

 

Ce qui vient d'être dit plaiderait pour un changement assez radical de la façon de célébrer notre foi.

 

Sans que cela change la réalité de ce qui est célébré.

 

18  

De l'absolu au relatif

 

Nous ne sommes plus à une époque où les hommes perçoivent l'univers comme constitué d'une part de la terre, monde des hommes, et d'autre part du ciel et des étoiles qui seraient en quelque sorte le monde des dieux... Même si elles sont hors de notre portée, nous savons que les étoiles sont de même nature, au sens large, que la terre où nous vivons.

De même je me demande si la réflexion sur l'au-delà ne devrait pas, au moins dans une certaine mesure, passer de l'absolu au relatif.

 

Il s'agirait d'envisager de raisonner et d'agir, par rapport à ces "dimensions" que nous ne voyons pas, comme par rapport aux dimensions que nous voyons, et non pas de les absolutiser et de leur donner un caractère sacré, magique en quelque sorte.

Le fait Jésus, le fait "révélation de l'amour du Père" et la Providence nous introduisent assurément dans des aspects du réel qui dépassent ce que notre simple perception a l'habitude d'appréhender. Mais on peut considérer qu'il s'agit d'aspects du réel, et non de quelque chose de radicalement distinct de notre monde.

Il s'agit dès lors, en somme, de passer du discontinu absolu, qui caractérise souvent la religion, à un "presque continu". Une discontinuité est certes constituée par la mort; mais le monde "de l'au-delà" est déjà très présent auprès de nous, on l'a rappelé dans un des paragraphes qui précèdent. Proche et non lointain.

 

Il s'agit en quelque sorte de considérer le monde de l'au-delà, que nous révèle Jésus, comme un monde "réel", et non comme un monde "divin", "sacré".

Un monde réel, c'est à dire un monde dont les lois ne sont pas nécessairement très différentes de celles de notre monde; mais avec comme axes majeurs l'amour et la croix, comme Jésus nous l'a fait connaître.

 

Et de raisonner, par rapport aux faits "Jésus" et "révélation" en général, de façon expérimentale, non dogmatique.

 

19  

Prier de façon réfléchie

 

Les prières que les chrétiens adressent à Dieu ont souvent un caractère utopique, irréaliste.

 

On demande à Dieu "Que le monde trouve la paix", "Nourris ceux qui ont faim", etc. Prières qui donnent bonne conscience? Car on devrait savoir, depuis le temps, que "les pauvres vous les aurez toujours avec vous" (Matthieu 26,11 et parallèles); et que la guerre sur la terre, il est peu probable qu'elle disparaisse avant longtemps...

 

Prier ainsi est donc prier de façon déconnectée du réel, non réfléchie. Ce sont de "bonnes paroles", des prières "toutes faites", passe-partout.

 

Une réflexion sur "comment prier" rejoint le problème du mal et de l'action de Dieu au sein du monde par l'Esprit.

 

Il conviendrait plutôt d'affiner notre prière, de parler à Dieu comme à un ami, en évoquant telle ou telle situation précise, et en demandant que l'Esprit éclaire les coeurs, vers plus de justice, moins de malheur, à tel endroit précis. Comme si nous y étions et que nous pouvions agir nous-même, avec douceur et amour, sur le coeur des différentes personnes en cause.

Nous nous unissons ainsi au coeur de Dieu.

 

20  

 

 

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